Égypte, Africa
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SWVL

Par Sabine Cessou, journaliste 

En plein boom en Égypte, les startups ne cessent de faire les gros titres. Et pour cause : elles ont levé 156 millions de dollars de capitaux en 2020, une hausse de... 1 716 % par rapport à 2015, selon la plateforme d'analyse et de veille Africa Disrupt. Avec 491 millions de dollars en 2021, la hausse reste exponentielle : +168 % par rapport à 2020, constatent Magnitt et l'Agence de développement de l'industrie IT (ITIDA). 

Ces niveaux d'intérêt financier placent l'Egypte en 4e position africaine après le Nigeria, le Kenya et l'Afrique du Sud selon la plateforme d'analyse Afridigest. En 2021, ces quatre pays, surnommés les "Big Four", ont drainé 75 % de tous les investissements faits dans les startups en Afrique. L'Égypte représente 20 % des startups de l'Afrique, incubées et accélérées localement à 39 % - une performance remarquable à l'échelle du continent, relève le rapport Egyptian Startup Ecosystem Report 2021, publié par Disrupt Africa.  

Information à relever pour tous les startupers de l'Afrique du Nord : les organisations de soutien qui financent le plus en Egypte, parfois ouvertes à des projets non égyptiens, sont Flat6Lab (62 investissements entre 2015 et 2021), 500 Startups (43 transactions), Algebra Ventures (23), The Cairo Angels (15) et Endure (13) - voir les fiches Organisations de soutien sur le site Eina4jobs. 

Swvl, première startup africaine entrée au Nasdaq

Au seul mois de mars 2022, cinq startups égyptiennes ont levé plus de 1 million de dollars, selon Africadigest : Khazna (Fintech, 38 millions), Lucky App (Fintech, 25 millions), Naqla (logistique, 10,5 millions), EkSab! (software et jeux de sport, 3 millions), Nexta (Fintech, 2 millions).  

Les capitaux investis atteignent aujourd'hui des montants impressionnants, assez pour voir des "licornes" émerger, comme Fawry, une plateforme de paiements et services financiers électroniques cotée à la Bourse du Caire. Ou encore Swvl, une application qui organise un système de transport public alternatif, via des services de covoiturage technologiques et de bus privés permettant aux passagers de réserver et de payer via son application, avec un segment de marché B2B.

Fondée en 2017 et incubée par l'AUC Venture Lab de l'Université américaine du Caire, Swvl est la première startup africaine à avoir fait son entrée au Nasdaq le 19 avril 2022 aux États-Unis. Evaluée à 1,5 million de dollars, cette société opère déjà dans 115 villes et 18 pays à travers l'Afrique, l'Asie, l'Europe et l'Amérique latine. 

Les secteurs porteurs : "retail tech" et commerce en ligne

Toujours dans les transports, l'application de transport par camion Trella a par exemple levé 42 millions de dollars en juin 2021 auprès de Maersk Growth et le saoudien Raed Ventures, mais aussi des sociétés de capital risque du Caire telles que Algebra Ventures. Fondée en 2018 par quatre amis, Trella affiche trois ans plus tard une santé robuste - voire insolente, compte tenu de la pandémie de Covid-19 qui ne l'a pas affectée - avec plus de 350 affréteurs réguliers et 15 000 transporteurs.  

Selon l'Egyptian Startup Ecosystem Report 2021, les 562 startups actives en Égypte sont situées pour la plupart au Caire et emploient 13 000 personnes. Une part de 21 % d'entre elles opèrent dans le "retail tech" (technologies de distribution) et le commerce en ligne. Une particularité égyptienne puisqu'ailleurs en Afrique, la Fintech est reine. Celle-ci ne vient qu'en deuxième position sur les rives du Nil (12 % des startups), avant les services de santé e-health (9 %) et d'éducation ed-tech (7,5 %), puis la logistique et le recrutement. 

Dans la filière du "retail" tech et e-commerce, seulement 15 entreprises sur un total de 117 s'inspirent du modèle Amazon ou Jumia de ventes multi-produits, d'autres se spécialisant plutôt dans les vêtements ou les produits alimentaires. Les marchés de niche sont les plus porteurs, dont celui des services B2B dans la distribution, qui aident les commerçants avec la gestion des stocks et les commandes (20 % des startups).  

Un intérêt naissant pour les marchés africains 

Les récentes expansions des startups Trella et Paymob au Pakistan et en Arabie Saoudite témoignent de l'intérêt du secteur privé égyptien pour l'Asie, mais aussi les pays du Golfe, proches linguistiquement et culturellement, qui représentent en outre une source de capitaux non négligeable. L'intérêt se déplace aujourd'hui vers le Sud, note l'ITIDA, avec des startups telles que Vezeeta, qui vise les marchés africains. Cette app de prise de rendez-vous avec des services de santé, sur la base de revues et notes des patients, donne les agendas en ligne des médecins, le prix de la consultation, etc.  

Vezeeta a levé 8 millions de dollars de capitaux en 2017, puis 40 millions en 2020. Elle repose sur un réseau de 35 000 docteurs "bien notés" exerçant 43 spécialités différentes dans six pays de la région Moyen-Orient/Afrique. Vezeeta, success story africaine, s'est lancée en juillet 2020 sur les marchés du Kenya et du Nigeria, et avait fin 2021 un total de 30 000 patients dans ces pays. Un début prometteur.